31/01/2010

Fais-moi plaisir ! (Emmanuel Mouret, 2009)

On remarque assez rapidement quand un film rentre dans un moule. Puis, on se dit que le moule lui va tout à fait et l’on n’a pas envie qu’il s’en dégage. Mais il lui arrive tout de même de quitter son moule pour un autre, qui lui va aussi bien. C’est donc le cas pour cette comédie qui commence dans des limites bien nettes. Petite scénette romantique et presque rigide, où les dialogues ne se permettent aucune contraction, où les liaisons sont respectées comme il se doit en France. Oh, d’abord le poil se hérisse. Mais finalement, c’est une des règles que pose le film et il s’en accommode avec beaucoup de charme. La première séquence raconte surtout que, ce samedi matin-là, Jean Jacques a envie de faire l’amour avec sa petite amie, mais que celle-ci compte d’abord dormir une heure de plus, puis réclame un café avant toute chose, puis finit son roman (il ne lui reste que trois pages), puis… puis… Enfin, au bout de vingt petits détails, la petite amie de Jean Jacques le poussera à aller coucher avec une inconnue qu’il avait abordée sans conviction. Oui ! L’intrigue s’est nouée et hop, on embraye sur le burlesque. Ce seront donc des scènes purement visuelles, drôles juste assez, un peu inoffensives, et c’est pour cela qu’Emmanuel Mouret nous fait aimer son film. Son personnage est un grand nigaud qui se prend les pieds dans tous les tapis de tous les plans, en essayant toujours de masquer ses bêtises. Déjà vu, mais ce n’est pas un problème. Le film se déroule avec aisance, trouve des situations insolites et pétille. Mouret souffle : ça ne prête pas à conséquence, mais je le fais très bien. Exactement. Sa comédie s’envolera l’instant d’après, avec son élégance un peu dépassée. Mais heureusement que cela existe.

30/01/2010

Shaft (Gordon Parks, 1971)

Le film est mythique. J’attends de Shaft qu’il soit à la hauteur de sa réputation. Un peu. Au moins autant que son thème légendaire (son tempo à la charleston constamment sur le fil, son riff "wah wah" évocateur) par Isaac Hayes. Eh bien, pas forcément. Qu’est-ce que j’en attendais d’ailleurs ? Quelque chose de fortement marqué par les seventies (de longs zooms sur des faces patibulaires), un personnage ultra-charismatique, des dialogues qui prêtent à sourire parce que envoyés sur la corde, une intrigue vaguement regardable qui laisse place aux situations croquignolesques. Le B.A-ba d’un film d’exploitation de l’époque. Blaxploitation, en fait. Il y a un peu de tout ça dans Shaft, mais sans jamais d’osmose. L’intrigue n’est pas vaguement regardable, elle est molle. Aucun dynamisme. Le personnage est certes charismatique, et suranné. John Shaft arbore coupe afro et moustache, porte un long imper en cuir beige et pousse des éclats de rire imprévus. Le générique dure longtemps : pour la musique en partie, et pour voir Shaft se mouvoir dans les rues new yorkaises en faisant fuir les petits revendeurs à la noix, manquant de se faire écraser par une voiture (mais lui répondant aussi sec : enfoiré !), faisant se retourner les filles. Mais Shaft n’a pas grand-chose à faire. Hormis retrouver une fille dont on se fiche à 100 %. Quelques autres à séduire, quelques répliques à envoyer. « - Mais où tu vas Shaft ? - Baiser. Et toi où tu vas ? » dit-il en s’éloignant et en poussant un rire soudain. Serait-ce le moment à retenir ? En dehors de ça, Gordon Parks devait être persuadé de notre intérêt pour les péripéties, qu’il prend un soin superflu à installer… les zones d’attente sont nombreuses. Comme la fusillade finale, qu’il met en place durant 7 longues minutes, pour finalement la torcher en 45 secondes. Et 30 secondes après, de boucler le film. Shaft, la chanson, est cool ; Shaft, le film, j'ai dû le regarder en deux fois.

25/01/2010

Brooklyn Boogie (Wayne Wang - Paul Auster, 1995)

Après Smoke, il fallait que je vois le deuxième volet. Quel malheur… le doux charme s’est envolé. Dans Smoke, Auster et Wang faisaient un portrait de Brooklyn, un portrait en creux, sous l’écoulement de l’intrigue. Là, le portrait est au premier plan, revendiqué. Et il ne reste que des bouts de scène. Dans Smoke, il y en avait une très belle et longue où Harvey Keitel montrait son album-photos à William Hurt. Celui-ci tournait les pages et retrouvait toujours la même photo du même coin de rue, sous le même angle restitué jour après jour. Et il disait en regardant vite : mais ce sont toutes les mêmes. Harvey Keitel répondait : oui, mais ralentis, regarde bien. Esquisse métaphysique. Eh bien, on dirait que Brooklyn Boogie prend l’exact contrepied de cette scène. Il n’y a plus que des vignettes chacune différentes. On saute de l’une à l’autre, on retombe sur elles et les dialogues sont lancés, très vite. Souvent agités et rarement drôles. On regarde des points de vue ratés, en somme. Mais deux sont brillants : il y a Lou Reed, sous un bol de cheveux frisés, et Jim Jarmusch. Ils parlent, simplement, sans chercher à construire coûte que coûte une situation. Et je me demande vraiment s’ils disent alors ce qui leur passe par la tête, s’ils jouent désinvolte un texte très écrit, s’ils jouent un texte qui reprend des pensées qui leur sont venues. En tout cas, ils parlent pour - presque - rien et ça me suffit. Le coup de grâce, une apparition de Madonna en telegram-girl chantante. Elle chante vraiment comme un pot.

24/01/2010

The Wrestler (Darren Aronofsky, 2008)

Un film sur le catch. Un film sur Mickey Rourke. Un film sur un perdant. Un film sur Mickey Rourke, acteur perdant, qui offre son corps à un film sur le catch. D’accord, ça me faisait peur. Le catch, l’attirail de muscles suintants, les cheveux peroxydés, le hard-rock et les prises de guerrier. Mais évidemment, ça prend. Parce qu’il y a Mickey Rourke. Aronofsky, je n’en attendais pas grand-chose… après The Fountain, c’était clos. Mais Rourke est beau. J’ai aimé pour lui. J’ai arrêté de me focaliser sur les partis pris lourdingues (caméra braquée sur le dos du personnage, le plan est repris au moins une cinquantaine de fois par la suite). Parce que Rourke nous dit, "le spectacle (du catch) c’est tout". C’est une superbe philosophie. Il s’accroche à elle, parce qu’il sait qu’au-delà c’est trop dur. Il tient à son nom de scène, il est froissé quand on l’appelle à la pharmacie par son nom civil, il rectifie avec douceur, c’est touchant. Son passé a été glorieux, son présent est merdique. Il essaie de le rendre meilleur : il tente de nouer une romance, il rappelle sa fille avec qui le contact était rompu. Mais non, ça ne prend pas. Il reste immensément seul. Alors que les gens l’acclament quand il fait le spectacle, le catch ! Alors même si la dernière prise doit lui être fatale, il assure le show. On peut avoir les larmes aux yeux pour une prise de catch.