09/02/2010

OSS 117 : Rio ne répond plus (Michel Hazanavicius, 2009)

Le personnage OSS 117 mérite pas mal d’honneurs. Déjà, il a permis de renouer avec une certaine exigence dans le domaine de la comédie française. Parce que le genre est souvent réduit à un amoncellement de grosses productions qui s’intéressent avant toute chose à leur promotion prime-time sur TF1. Mais 117 avait une vigueur "pop" surprenante et ne lâchait pas de grosses blagues obligées pour plaire. Enfin bref, hâte était d’attaquer ce second volet. Ça déchante, malheureusement. Le catapultage à la fin des sixties aurait pu déboucher sur un surcroît d’inventivité, propre à l’époque. Bon, le code de l’écran découpé en vignettes apparaît à certains passages, les couleurs sont plus torrides, de même que la musique ; mais rien d’aussi charmant et ciselé que le pastiche 50’s du précédent. A la limite, ce manque n’est pas très grave tant que le reste… mais le reste ne suit pas. Les auteurs ont voulu mettre le paquet sur le chauvinisme du héros. Il l’était déjà dans le premier volet, mais dorénavant il n’est plus que ça. Macho, raciste, narcissique, pas drôle : français ! Problème, cette charge à sens unique ne laisse plus aucune place à un autre régime de scènes. Dans le précédent, encore lui, les tares d’OSS étaient, si ce n’est amenées avec plus de subtilité, du moins harmonisées (et donc encore plus « drôlisées ») par des épisodes farfelus : le "jour/nuit" dans l’entrepôt de poulet - le numéro de chant etc.. Or ici, on ne trouve rien à la hauteur. OSS se contente d’être atrocement français : on l’aura compris plutôt deux fois qu’une. D’où une impression de faiblesse comique qu’aucun second rôle, tous ternes, ne vient démentir. D’accord, Rio ne répond plus n’est pas exempt de sophistication : les silences durent derrière les répliques décalées. Mais la répartition des forces gâche le film. D'accord, Jean Dujardin reste encore extra. Mais la barre doit être rétablie pour les prochaines aventures d'OSS, nom d'une pipe !

06/02/2010

Le troisième homme (Carol Reed, 1949)

A un moment donné, ce ne sont plus que les images qui vous hypnotisent. Elles vous figent dans une sorte de stupeur. Pourquoi regarde-t-on encore ce film ? Parce qu’il y a ces images, ces plans. Dans Le troisième homme, il faut reconnaître que l’histoire n’est pas tout à fait haletante. Il y a un mystère, qu’un homme débarqué à Vienne après-guerre va chercher à résoudre, mais l’intérêt est ailleurs. D’ailleurs, aussi forte que soit la révélation, qui forcément doit venir, elle ne répond pas à grand-chose. Ce qui compte, ce sont : l’incertitude du héros - la stupeur d’une ville délitée - l’hallucination qui pointe son nez. Le film se suit plongé dans une stupeur étrange. Carol Reed cherchait vraisemblablement la modernité dans le "film noir" et à imposer un style. Il y a beaucoup de cadres inclinés, comme si le monde tanguait. Quelques gros plans forts ; des lumières marquées ; et cette musique saugrenue qui nous impose un regard décalé, là où l’on verrait de la tragédie. Malgré tout, j’ai l’impression que le film est trop systématique dans sa recherche (trop de cadre incliné tue le cadre incliné). Ce serait davantage une sorte de film-relai qui avance vers la modernité, qu’un film moderne en soi. Mais toute importance historique mise à part, il reste l’image qui vous happe. Orson Welles avance son visage vers la lumière, animé par un sourire goguenard et inquiétant ; les rues de Vienne désertées, immense terrain de jeu ; un affrontement moral dans une grande-roue surnaturelle ; enfin, une poursuite dans les égouts de Vienne. Quelques unités fortes dans un ensemble parfois lâche. Mais c'est probablement ce que le film cherchait.

02/02/2010

Excalibur (John Boorman, 1981)

On peut ne pas être sensible aux histoires de chevaliers, dragons, enchanteurs… et aimer Excalibur, beaucoup. A cela, il doit y avoir plusieurs raisons. A) On ne connaît pas grand-chose de la légende du roi Arthur (n’étant pas sensible aux chevaliers, dragons, etc.) et le film en donne une vue d’ensemble riche et passionnante. La légende est tellement ancrée en notre imaginaire qu’on est happé, forcément. Ça, ce serait pour le récit. B) Il y a un solide réalisateur aux commandes. Excalibur est donc beau et propose des images assez incroyables. Des lumières irisées, des décors, des costumes fous et flamboyants. Et cela dans des cadres élaborés. C’est la beauté de la démesure et du merveilleux. De toute évidence, il est (était) possible de mettre en scène une grande épopée sans recours aux effets numériques. Le film ne masque pas son usage du trompe l’œil ; ce qui lui serait fatal aujourd’hui mais ne l’en rend que plus beau. C) Réussi sur deux niveaux, narratif et esthétique, le film n’est pas un objet intouchable pour autant. C’est qu’il faut oser pour s’imposer. Par exemple, les acteurs ont un jeu particulier qui prête à sourire. Ils jouent probablement comme le souhaitait Boorman, c’est-à-dire avec la touche d’emphase nécessaire à l’adaptation de la légende. La post-synchro est un peu discutable, mais elle aussi donne ce petit décalage héroïque qui nous fait penser : on est vraiment dans un film. Et c’est terrible. Conclusion) Excalibur laisse une intense impression de mystère. Les différents épisodes du mythe sont suffisamment découpés pour qu’on les comprenne… mais il reste encore une part de floue, d’insaisissable et d’étrange dans les enchaînements. C’est de cette manière qu’il donne le mieux à voir la folie de son entreprise et sa grande réussite. Même si on est rétif à la fantasy, il faut voir ça.