23/03/2010

Watchmen (Zack Snyder, 2009)

De manière plutôt détachée, nous dirons qu’il n’y avait rien à attendre de Zack Snyder après 300. De manière moins détachée, nous dirons que 300 était un odieux péplum de l'ère numérique, où des Spartiates évadés d’une pub exhibaient leurs faux muscles saillants sur fond d’écran vert, ce pendant 1h30. Il n’y avait que ça, presque, même avec des raccourcis, même avec les gros sabots. La page est close. Watchmen a tellement plus de mérite. Pourtant, pour être tout à fait objectif, on ne sait pas si ses qualités sont en grande partie redevables au comic dont il est l’adaptation, ou si le film arrive à développer sa propre créativité. On navigue un peu à l’aveuglette, tant pis. Ce film est quand même une grande fresque perturbante, une superproduction de héros nihilistes. Oui, les Watchmen sont a priori des super-héros. Mais en réalité, ils n’ont rien de super et tout de sale. Dans une réalité parallèle où les Etats-Unis ne sont jamais sortis de la guerre froide, ils représentent un petit cercle de personnages masqués veillant encore au maintien de la justice. Pourtant ils ne sont même plus dans la course (une loi leur a interdit d’exercer leur vocation) et ils n’y croient plus. C’est dans ce cadre, ici synthétisé à la hâte, qu’évolue le récit. A l’image de The Dark Knight, le dernier Batman un peu surcoté, Watchmen s’attache à gommer les frontières morales, à peindre quelque chose de notre ère à travers la parabole et la virtuosité paranoïaque. Plus de tromperie, les héros évoluent dans la fange mais surtout, créent eux-mêmes la fange. Une large moitié du film est consacrée à cette évolution délétère. Son postulat serait aussi : comment narrer quelque chose alors que la fin de l’humanité est proche (suspendue à l’imminence d’une guerre atomique), qu’il n’y a donc plus rien à sauver, et par là plus rien à raconter ? A travers des scènes en mosaïque, une fluidité presque lente et retenue, assurée par le montage (brillant), Watchmen semble lui-même, en tant qu’œuvre, trouver la solution au dilemme en se retournant - regard par-dessus l'épaule - sur les symboles à sauver du naufrage. Que ce soit la pop music (Dylan, Simon & Garfunkel, Hendrix convoqués) ou sa propre mythologie (par la mise en abîme : un anonyme apparaît dans plusieurs plans plongé dans un comic / les costumes des Watchmen sont des pastiches d’autres super-héros). C'est cela dont le récit se nourrit. Dans une sorte de dérive vertigineuse, il donne à éprouver la déliquescence d’un monde, sans tellement se fixer d’échéance et de péripéties. Il s'agit de la partie que l’on préfère, avec visions contenues dans des cadres amples et parfois solennels. Sans totalement compter sur Snyder, toujours prompt à dégainer des ralentis systématiques, mais son regard a cette fois une certaine qualité élégiaque. Le deuxième acte, parce qu’il propose enfin un but à atteindre, se révèle certainement plus convenu. Le juste ordre des choses reprend son cours et qui irait l’en blâmer ? Il faut nécessairement arriver à un épilogue. Qui désire un film aux enjeux anéantis, atomisés, un film rongé par le vide ? Pas moi, même si cela doit se concrétiser par une légère déception. Quoi qu'il en soit, Watchmen s'impose comme un des meilleurs films de super-héros de ces dernières années.

2 commentaires:

  1. Décidément je n'aurai jamais entendu deux fois le même son de cloche sur l'adaptation de The Watchmen ! Duff me soutient mordicus que c'est une merde sans nom, mon frère que c'est trop génial, Nonoo que c'est honnête... Je vais peut être enfin le regarder, et j'espère être de ton avis à la fin, car je doute quand même que le film soit grandiose comme me l'assurait mon frère.

    Sinon pas mal du tout ce blog, j'ai bien aimé l'avis sur OSS 117, intéressant ! Continue comme cela !

    Thibault.

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  2. hey merci Thibault.
    c'est drôle, tous les avis négatifs que j'ai lu ou entendu sur Watchmen venaient de ceux qui avaient lu le comic.. comme beaucoup d'adaptations, ça explique sûrement le côté très tranché.

    en tout cas, fais-moi savoir ce que t'en as pensé!

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